Action – Réflexion = Agitation

Dans une MECS (Maison d’Enfant à Caractère Social), il est conseillé d’assurer un cadre grâce auquel les mômes se sentiront apaisés, sécurisés et contenus. Cette recommandation requière de la part des professionnels de l’énergie (énergivore), du temps (chronophage) et il serait commode de s’en contenter. Pour autant, elle n’est que la première étape de notre travail. Le cadre « posé », les éducateurs et les jeunes accueillis sont en mesure d’en « disposer ». Plus qu’un environnement, ce cadre est un outil. C’est à travers ce contexte, ces limites, ces règles que vont interagir les jeune et les adultes ; que vont se délimiter les possibilités de leurs actions ; que les réponses au « Comment ? » vont s’élaborer et se mettre en œuvre.

Comment l’enfant peut-il développer sa personnalité ? Comment peut-il s’épanouir ? Comment favoriser son autonomie ? Comment le rendre acteur de son développement ? … En résumé : Comment engendrer, de ce cadre apaisant, mais également stimulant, un terrain favorable à la construction de soi ; et fertile à la culture d’une véritable « relation éducative » ?

La « relation éducative » est ici à entendre dans le sens de Philippe Gaberan qui la définit comme : « un temps et un espace (…) au sein desquels une personne requise pour ses compétences en aide une autre à passer du vivre à l’exister. C’est-à-dire à passer d’une manière d’être là au monde (…) sans qu’elle ait les moyens de faire autrement que subir les événements et le temps qui passe, à une manière d’être au monde par laquelle elle apprend d’abord à s’accepter telle qu’elle est afin d’advenir à ce qu’elle veut être, au lieu de se conformer à ce que d’autres (…) voudraient qu’elle soit. » [1]

Pour élaborer et mettre en oeuvre ces réponses au « Comment? », l’éducation spécialisée combine l’art de l’action se localisant dans l’instant à celui de la réflexion consolidant l’avant et l’après (introspection, projection…). Cet alliage d’action et de réflexion favorise la cohérence du suivi passé, présent et futur de la personne accompagnée. De cette façon, chaque jour n’est pas que l’immuable répétition du jour d’avant mais apporte un « petit plus » la rapprochant de son mieux être et du développement optimal de son identité.

Je travaille actuellement dans une MECS où les temps de distanciation et d’objectivation, aussi bien individuels que collectifs, ne sont pas clairement formalisés par l’institution. Chaque journée apporte son lot d’exigences à un rythme soutenu et l’équipe éducative tâche d’y répondre au risque de s’agiter, pris dans l’étau de l’empressement et de l’immédiateté. La frénésie est permanente. Les professionnels n’ont pas la possibilité de la suspendre, de la ralentir, de la mettre en « apnée » ; le temps d’évaluer leur action … de se recentrer sur les fondements de leur mission … L’action submerge la réflexion. Les gamins sont nourris, logés, blanchis, soignés mais les professionnels naviguent à l’aveugle, n’ayant pas de perspective, de prospective sur l’efficience de leur accompagnement éducatif.

Restons, pour le moment, sur ce constat en vue de mieux y faire front, sans quoi … mes amis, mes compagnons … advienne que pourra !

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[1] « La relation éducative » – Philippe Gaberan

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